Le type grogne, laisse échapper
des syllabes sans aucun lien ni logique, rien qui ne puisse s'apparenter à un
mot. Il a un goût de sang dans la bouche, un mal de tête carabiné. Son regard scanne la rue à la recherche de vêtements.
Pas une frusque en vue. Les questions se bousculent sous son crâne douloureux. Il n'est plus personne, il n'a rien pour
prouver son identité, hormis un tatouage comme écrit à la machine à écrire et
placé sous l'avant-bras droit :
AMOR FATI / MEMENTO MORI
A mesure qu'il émerge du coaltar, sa vision se précise, il reconnait les ruelles de Vague-le-Bains sans pour autant se souvenir du pourquoi, du comment. Pourquoi diable est-il ici ! ?Avec difficulté il prend ses marques : l'église, le caviste, le port. Il a peur qu'on le repère, à poil, errant de maison en maison, cherchant à se rendre invisible, plié en deux, en longeant les murs, tel Quasimodo.
Un groupe de mecs
complètement blindés à la bière belge d'abbaye est en approche, ça vocifère, ça beugle. L'homme parvient à se nicher derrière un massif d'horthensia, dont les branches lui lacèrent le cuir. L'église sonne 4
heures. Il a envie de chier, de cracher, de pleurer, il préfèrerait
être mort.
En puisant dans ses dernières ressources il sprinte comme un dératé, jusqu'au parking, le seul du bled. S'il est arrivé ici, c'est en voiture, donc sa bagnole doit y être stationnée. Logique implacable d'un type épuisé mais dont l'instinct de survie se manifeste au moment opportun.
Sa Volvo est là, par miracle elle est ouverte,
les clés sur le contact. Il s'y réfugie, soulagé : personne ne l'a vu. Derrière
le siège passager, on a pendu un cintre comme le font les VRP en tournée. Ses
vêtements sont là, pliés, propres et intacts. Il décroche le cintre et se
fringue en toute hâte. Epuisé, il s'endort au volant de la berline.
La courte nuit s’est révélée
agitée, mais rien ne l’aidera à comprendre ce qu’il s’est passé. Blackout.
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