Elle a mis du temps à répondre à mon message. J'ai attendu plusieurs jours en me rongeant les ongles, instable sur mes appuis, un courant électrique continu parcourant chacun de mes membres. Mon téléphone était devenu une extension technologique de mon corps, une extension quasi indissociable qui monopolisait mon attention. Impossible de me concentrer sur quoi que ce soit, impossible de les écouter, ni Elise, ni les enfants.
La notification est apparue le mercredi suivant le mariage.
Je roulais sur l'autoroute entre la mer et la maison, une belle averse d'orage s'abattait sur la route, obligeant les puissantes berlines à ralentir. Malgré le vacarme de la pluie sur la tôle du véhicule je suis parvenu à distinguer le "ding" annonciateur d'un message. Coup au cœur immédiat, affichage du message sur l'écran géant du tableau de bord, c'était elle :
"Antoine, ok pour un café un midi, retrouve moi au Stella Maris à Vagues-les-bains, mercredi en huit, 12 heures précises. Je t'embrasse."
J'ai lu, relu ces mots, jusqu'à les connaitre par cœur. Elle m'embrasse, elle m'embrasse, elle m'embrasse. Mercredi en huit, 12 heures, Vagues les bains, au Stella Maris (un établissement que les locaux appellent le Bar des Pêcheurs). Il faut que je m'arrête, la prochaine aire étant trop loin, je me mets en warning sur la bande d'arrêt d'urgence. J'enjambe la glissière de sécurité et allume une clope, puis deux et trois. Il faut que je pense, vite, donner une réponse. Basique : oui, non. Pas de place pour les peut-être et les hésitations.
C'est l'instant où tout se décide. Je peux tout arrêter. La pluie cesse, arc en ciel à l'ouest. Putain, j'analyse ça comme un signe. Arc en ciel : tu lui dis ok. La pensée magique… cette pratique enfantine ne m'a jamais vraiment quitté. J'écris, les mains tremblantes :
"Tellement envie de te revoir, à mercredi en huit. Ciao"
A peine le texto envoyé je m'en veux déjà. Quel abruti ose signer Ciao ??? Je me déteste, j'en rougis de honte, la sueur se met à perler sur mon front de latin lover sur le retour. Ciao bambina, ma qué bella la ragazza... Italien en rut, vocabulaire de pizzaïolo itinérant, option pizza raclette au feu de bois. Tellement envie de te revoir… Putain, c'est comme si j'avais écrit "Tellement envie de te baiser, t'es tellement chaude, vivement mercredi !" La sueur m'envahit. Un torrent dévale entre mes omoplates, coule le long de ma colonne vertébrale. J'aurais dû voir ce déferlement de sueur comme un autre signe m'avertissant du danger. Comme vous vous en doutez sûrement je n'en ai rien fait. Installé derrière le volant, j'ai fait souffler la clim' à fond, il faut réfrigérer mes ardeurs.
J'allume la radio, Alain Chamfort susurre Clara veut la lune. Putain, la vie n'est-elle qu'une suite de signes ? Je m'interroge… pensif en doublant de paisibles retraités en camping car, couples solides, jamais troublé par le feu de l'infidélité.
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