Nuit magique
Une histoire d'humour
qui tourne à l'amour
Quand vient le jour
Nuit magique
On perd la mémoire au
fond d'un regard
Histoire d'un soir
Nuit magique -
Catherine Lara
Il dort à côté de moi, sur le ventre, une main sous
l’oreiller, un pied dépassant du lit. Il ronflote, comme c’est chou ! Il a
l’air détendu, paisible comme un enfant. Le radioréveil indique 06 heures 32, c’est
l’heure de s’éclipser, comme Fantômette. J’emmène avec moi mes fringues laissées
en vrac sur le parquet, je me rhabille en toute hâte dans le salon puis laisse
une note sur le bar :
« Yves, merci pour cette soirée délicieuse, j’ai tout
aimé. Agnès »
Je ferme avec précaution la porte d’entrée, sans la claquer,
et vite je rejoins l’escalier de service.
Une fois chez moi je m’affale sur le canapé, la nuit qui vient
de se terminer en tête. Je ne peux décemment pas en finir comme ça. Que
trouve-t-il de si extraordinaire à cette nana du bus ? Comme souvent tout
est histoire de timing, il faut croire que je suis toujours à contre temps. Je
ferme les yeux, tente de trouver le sommeil, mais il ne vient pas. Il est là,
Yves… Partout. Je me rappelle la finesse de ses doigts, le son de sa voix chuchotant
à mon oreille, son torse glabre, ou presque. J’aurai du mal à écouter Roy
Orbison si ça ne marche pas avec lui.
Je me déteste avec mes sentiments de midinette, diantre !
Prends du recul ! J’aimerais observer froidement la situation, ne pas
céder aux pulsions. Mon cerveau est en ébullition, ce désir… c’est ce qu’on
appelle un sacré retour de flamme ! Je ris toute seule, fière de ma
trouvaille. Ceci dit, me voilà dans de beaux draps, prise dans des dilemmes inextricables.
Je suis une héroïne de Jane Austen. Quelle stratégie adopter ? On avisera.
S’il doit se passer quelque chose, il se passera quelque chose. En pensant
cela, je sais que je mens à moi-même. Evidemment que je me battrai pour lui !
Mon ex, ce gros pourceau, a laissé un message sur le
répondeur :
« Salut c’est moi, les caisses de Champagne sont
arrivées, je suis passé chez toi hier, mais tu ne répondais pas… Rappelle-moi,
tu me diras quand je peux revenir te livrer. »
Rien à faire de son maudit Champagne, j’ai d’autres chats à
fouetter ! Une douche brûlante me fera le plus grand bien.
Alors qu’elle prend la direction de la salle de bain, elle se
surprend à sourire.
We skipped the light
fandango
Turned cartwheels
'cross the floor
I was feeling kinda
seasick
The crowd called out
for more
The room was humming
harder
As the ceiling flew
away
When we called out for
another drink
The waiter brought a
tray
And so it was that
later
As the miller told his
tale
That her face, at
first just ghostly
Turned a whiter shade
of pale
Procol Harum – A whiter shade of Pale
Elle est partie, elle a laissé son odeur dans les draps. Je
savoure et inspire à plein poumon toutes les minuscules particules d’elle, le
nez collé à son oreiller encore tiède. Faire durer le plaisir. C’est une
fragrance qui me rappelle l’été, c’est une explosion d’agrumes, c’est la
senteur résineuse des aiguilles de pin écrasées, c’est l’air iodé porté par le
vent, c’est frais et enivrant…
Mes yeux se perdent dans l’observation de cette chambre. Ambiance
zen, murs bordeaux, aucune décoration, un placard et une commode Ikéa, un
parquet clair puis… deux capotes gisant sur le sol. J’ai la tête pleine de ce
qu’il s’est passé hier. Je maudis ce Quincy, Agnès, ce rendez-vous avec Elsa. Je
ne sais pas ce que je ressens au fond, comme Gabin, je ne sais plus rien.
Depuis Agnès je doute. Il faut que je rencontre Elsa, que je lui parle de Roy
Orbison, d’Elvis Costello, de Linguini alle vongole, des paysages de mon
enfance… Après je saurai trancher. La vie est tout de même facétieuse, après
dix ans de disette sexuelle et amoureuse, elle me sert quasi simultanément deux
histoires d’amour sur un plateau. « Quelle pute la vie ! Je sens qu’une
fois encore je vais prendre cher ! »
Alors qu’il prend la direction de la salle de bains, il est
heureux de constater qu’il bande encore.
Aujourd'hui
J'ai rencontré l'homme
de ma vie
Wow, aujourd'hui
Au grand soleil, en
plein midi
Diane Dufresne – J’ai
rencontré l’homme de ma vie
Elsa a bien dormi, il est 11h. Elle a allumé la radio, c’est une auditrice fidèle de Nostalgie. Cela fait bien longtemps qu’elle n’écoute plus les infos, ça la déprime. Dans sa kitchenette, c’est breakfast time ! Elle trempe ses toast beurre-confiture de fruits rouges dans le thé brûlant. A chaque bouchée son visage s’illumine de gourmandise. Le chat de la maison vient se frotter contre ses mollets en ronronnant. Balthazar, c’est son nom, est un chat de gouttière noir et blanc. Les poils blancs sur sa poitrine dessinent un cœur. Tout en râlant Elsa consent à le prendre sur les genoux. Le matou se délecte de ses caresses, il en a la tremblotte. Elle se dit qu’elle va prendre le temps, trainer en pyjama, elle descendra s’acheter un bagel au saumon quand elle aura faim. Elle parcourt son fil d’actu sur son téléphone, mais ne le lit pas vraiment. Elle s’arrête pour consulter son horoscope : « Poissons, méfiez-vous des beaux parleurs, le papier ne refuse pas l’encre. »
Perplexe, elle poursuit, tout en se disant qu’elle pourrait
s’occuper autrement, de manière bien plus intelligente ou productive. C’est le
bazar dans l’appart’, elle culpabilise un instant puis passe à autre chose.
Un « ding » retentit, une notification s’affiche
sur son écran : RDV YVES 17h
Elle fulmine à voix haute : « Pfff, mais pourquoi
ce rendez-vous ? Faut-il que je sois conne pour faire ce genre de truc. Je
n’ai même pas son numéro pour annuler… Punaise, je vais devoir y aller, je peux
pas laisser ce type seul devant son café… Ou peut-être que si… Je peux tomber
malade, avoir une urgence… En même temps si je lui ai dit oui, c’est qu’il me
plait… Bordel ! je suis vraiment une pauv’ fille ! »
Après quelques minutes de réflexion et de câlins félins, la
jeune femme s’adoucit et s’adresse à son chat :
« Allez, Banco, je vais rencontrer ce dragueur des
transports en commun, qui sait ? Ce sera peut-être l’homme de ma vie. »
Elle pouffe de rire, Balthazar la regarde interloqué.
Alors qu’elle prend la direction de la salle de bains, elle
se trouve d’humeur taquine.
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