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Je me suis assise sur le sable. J'ai dans ma besace un carnet sur lequel je note toutes les choses qui me passent par la tête : liste de courses, fragments de poèmes, pense-bête, croquis. Ce matin l'air est doux, la lumière est belle. Il est approximativement 10 heures et je suis assise sur le sable d'une plage, sur la côte Est des Etats-Unis, plus précisément à Good Harbour Beach. J'ai bien fait de porter mon chapeau de paille, ses larges bords portent une ombre bienvenue sur le papier et protègent ma peau diaphane. Il commence à faire chaud, nous ne sommes qu'en mai, pourtant je réalise que je me suis, encore une fois, un peu trop couverte. Je suis frileuse. Edward se moque bien souvent de moi à ce sujet. Il racontera à qui voudra bien l'entendre qu'il m'est arrivé d'allumer le poêle en plein été ou de cuisiner des plats d'hiver, roboratifs et généreux au plein cœur de juillet !
La plage est déserte à cette heure, hier c'était la fête au village, les habitant se sont couchés tard… et bien souvent éméchés. Le tumulte des manèges et des attractions foraines, le fracas des pétards qui explosent en rafales, le brouhaha des conversations, l'excitation ambiante, tout cela a laissé place au souffle de cette brise caressante de mai. Je retrouve avec joie la quiétude habituelle du lieu, seuls quelques oiseaux maritimes piaillent dans ce ciel bleu délavé, presque blanc.
J'ai besoin d'écrire, je ressens très fort ces mots qui se bousculent sous mon crâne, ils ne demandent qu'à sortir, à s'éjecter de mon stylo plume. Les lettres se forment sans efforts, elles se donnent la main, donnent naissance à des mots qui se suivent à la queue leu-leu sur la page, les phrases s'enchainent, la ponctuation intervient, fixe ces règles. J'ai écrit.
J'ai posé sur la page des valises de mots. Je me sens soulagée. Edward me manque, il est loin d'ici, en Europe. Il désirait voir Paris, rencontrer des artistes, peut-être Picasso ou Matisse… La réalité est toute autre. Dans sa dernière lettre il m'a dit sa solitude, son incapacité à s'intégrer à la clique des artistes en vogue à Paris. Il est trop sauvage mon Edward. Il me tarde de le revoir, de le toucher, de sentir son after shave, de fixer son regard clair et perçant. J'ai besoin qu'il m'enlace de ses bras de géant, qu'il me dise à l'oreille "tu m'as manqué Jo". J'ai écrit son nom, Edward. Je l'ai même prononcé tout en traçant les lettres sur le papier. Je me suis autorisée, j'étais seule sur cette plage. Un témoin m'aurait traitée de folle. Je perds mon regard à l'horizon, je fixe le bleu de l'océan, le blanc du ciel, je te veux mon Edward, je ferme mes paupières, le soleil insistant les traverse, je sens sa chaleur, je te vois, tu souris, reviens-moi.
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