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| Photo by Denys Argyriou on Unsplash |
-"Et si avec tout ce que je vous ai prescrit ça ne va pas mieux, vous pouvez toujours essayer la sylvothérapie ! Il parait que ça fait du bien…"
Avec pour seule réponse une moue désabusée, je quittais ce vieux farceur de Ménard et me dirigeais vers l'arrêt de bus, mon ordonnance pleine de substances chimiques en main. Cependant, la remarque du médecin avait titillé ma curiosité. Ca ne coutait rien de faire quelques recherches sur cette obscure sylvothérapie !
Je me doutais bien qu'il était question de forêt, mais mon ignorance était grande. Le bus pointait déjà le bout de son nez rouge. Les gens se pressaient le long du trottoir, se plaçant stratégiquement afin de monter dans le gros véhicule en premier. Je m'insérais dans le troupeau et mis cette histoire d'arbres et de thérapie entre parenthèse.
Julien Lepers est un grand compositeur de chanson, il a composé l'immense tube d'Herbert Léonard, "Pour le plaisir". Respect. Vous devez penser que je suis fou, mais j'aime bien ce type à la chevelure ingrate. Ah ! Les frisouilles ! Que cette nature de cheveu doit être compliquée à dompter au quotidien ! Julien a de la ressource, de l'enthousiasme et ces qualités lui ont permis de dominer ses infâmes frisettes et d'atteindre le statut tant convoité de "présentateur de jeu télévisé préféré des plus de 60 ans". J'ai 41 ans, pas franchement dans son cœur de cible, mais j'admire les autodidactes comme lui. Bref, me voilà avachi dans mon canapé en train de regarder Questions pour un champion. Question médecine : Comment appelle t'on le fait de soigner au contact des arbres ou par la déambulation en forêt ? Les candidats se creusent les méninges et soudain Micheline de Gisors répond : "La Sylvothérapie !" Bonne réponse de Micheline, et flash mémoriel pour Bibi qui se souvient tout à coup des mots de Ménard !
Quelques recherches sur Wikipédia m'ont vite éclairé sur le sujet. Visiblement ce sont les nippons qui sont les champions de cette thérapie qui, soit dit en passant, apparait bien fumeuse aux yeux des occidentaux. Il s'agit simplement de se balader en forêt de renifler l'air chargé en humus et autres substances en voie de pourrissement ou, version hardcore baba cool, d'enlacer des arbres pour faire le plein d'énergie et apaiser son corps et son esprit. Je précise qu'enlacer un arbre, n'a rien de sexuel, avec la sylvothérapie, on reste chaste, on se contentera des préliminaires, le câlin. Je tiens à le préciser car certains esprits malades, poussent le vice jusqu'à faire l'amour aux beaux arbres de nos forêts domaniales ! On les appelle les dendrophiles, et vraiment, il serait fâcheux de les confondre avec l'estimable congrégation des dépressifs sylvestres.
C'est mon ami Remark, Jean-Luc, qui m'incita à trainer mes guêtres en forêt :
-"Franchement, tu te gaves de chimie depuis 1 an déjà, t'as pris 10 kilos, t'es moins chiant mais c'est pas non plus la fiesta dans ta tête. T'es sinistre mec, tu fais pas envie. Va t'en te caser avec ta tronche en biais et tes idées noires ! Allons-y, qu'est-ce qu'on a à perdre ? Hein ? Hein ? (Remark répétait souvent Hein, c'était sa marque de fabrique, son style, comme un signe de ponctuation)"
Il n'avait pas tort le bougre, et après un temps de réflexion relativement court (l'ingestion de deux bières blondes fort désaltérantes), nous partîmes à la recherche d'arbres bienfaiteurs, pas en forêt, mais au plus proche, direction le parc Michel D'Ornano !
Il faisait beau, mais le jour commençait à décliner sur la ville aux cent clochers. Le soleil couchant diffusait un éclairage tamisé à travers les feuilles des tilleuls bordant les allées du parc. Des familles se dirigeaient vers la sortie, c'était l'heure du thé. Une grand-mère promenant son chien engagea la conversation avec nous, elle parlait du temps, des températures. Remark embraya sur son chien, un adorable basset artésien. Elle fut ravie de pouvoir prolonger la discute, il s'appelait Jojo, en hommage à son mari décédé, le regretté Georges. Nous nous sommes quittés sur cette note tristounette, mais Mamie avait l'air ragaillardie, contente d'avoir pu tailler une bavette avec deux "jeunes".
Il nous fallait enlacer un tilleul. Cela tombait bien, le parc se vidait, nous pouvions pratiquer notre thérapie sans risquer d'être vus. Nous avons jeté notre dévolu sur un tilleul majestueux, ses branches faisaient office de parasol géant. Nous avons enlacé son large tronc. Simultanément et sans concertation nos yeux se sont fermés. Notre respiration s'est ralentie, elle s'est faite profonde et apaisée. Le temps à passé. Dans ma tête, que du vide, mais du vide agréable, juste une sensation de ne faire qu'un avec ce joli tilleul, mon nouvel ami. Cet instant de félicité fut soudain troublé par les hurlements de Remark :
-"Putain ! Des fourmis ! J'ai des fourmis dans mon futal !"
-"Comment ça ? Tu fais chier, on était bien là ! Qu'est-ce que tu racontes ?"
-"Mais merde, j'ai une fourmilière dans mon falzar !
Remark se retrouva en slip dans l'allée du parc en train de chasser les fourmis qui courraient le long de ses jambes. Il gesticulait comme un pantin manipulé par un enfant sadique.
Toute la sérénité emmagasinée s'envola dans les hurlements de cet hurluberlu phobique des fourmis. Bientôt 18h, l'heure de Questions pour un champion.
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